Éditorial

par Sylvie Bérard

Aujourd’hui, je ne parlerai pas de littérature, mais de politique. (La littérature est politique, mais le politique est-il littérature?)

C’est juste que, depuis mes quartiers ontariens, je m’informe et je réfléchis à la crise qui secoue actuellement le Québec. Je le fais depuis le début (il faut croire qu’on ne se refait pas, même quand on habite au loin, comme moi, depuis près de dix ans). J’en ai long à dire sur la question, et, dans mon milieu universitaire, on me somme régulièrement de me prononcer, comme si le fait d’être née au Québec me conférait une science particulière sur la situation. En fait, c’est le cas, je crois: il faut tout au moins avoir vécu au Québec un certain temps pour comprendre l’attachement des gens à certaines institutions, à certains gains de la Révolution tranquille, à certains filets sociaux absents ailleurs.

Cependant, en ce 22 mai, tandis que la grève étudiante entre dans sa centième journée et que se prépare une grande manifestation au Québec, il me vient surtout une réflexion ironique. Je pense à Pierre Elliott Trudeau, croyez-le ou non, à ce même premier ministre qui, le 16 octobre 1970, proclama la «Loi sur les mesures de guerre en temps de paix» et qui, une année plus tard, déclarerait, «La conscience est notre seul guide, et si la loi viole notre conscience, je crois que nous devons désobéir à la loi.» (La Tribune, 25 août 1971, p. 7). Comme quoi l’histoire a de ces détours…

Je souhaite une manifestation sérieuse, joyeuse et fructueuse à tout le monde qui croit encore à certains choix de société, et qui souhaite dénoncer certains mauvais choix sociaux.