Les pages littéraires de Sylvie Bérard

Science-fiction, littérature, écriture

Catégorie: Écriture

C’est comme si.

Il y avait longtemps que je n’avais pas écrit de #covidpoème. Je pensais que je n’en écrirais plus. Je n’en ai peut-être même pas écrit un nouveau.

Mes actualités littéraires

J’ai publié mon recueil À croire que j’aime les failles juste avant le début de la pandémie. J’ai eu juste le temps de participer au Salon du livre de l’Outaouais avant que toutes les activités en personne cessent. J’étais invitée au Salon du livre de Sudbury, mais tout s’est fait en virtuel. J’ai fait des vidéos au sujet du recueil, participé à des discussions, etc., mais tout ça en ligne. Et vous savez comment c’est: les gens sont tellement sollicités par toutes sortes de projets et événements que le feedback ne reflète pas toujours toute l’énergie qu’on y met.

Entre-temps, j’ai co-traduit Le fruit de la puanteur de Larissa Lai avec Suzanne Grenier, et j’ai participé à quelques activités relatives à ce livre et à la traduction, et même deux événements en personne (entre autres, une belle table ronde en compagnie de Kama la Macquerel, organisée par la Librairie Saga), mais encore là, dans un monde occupé.

J’ai aussi participé au projet de vidéopoèmes du Tremplin d’actualisation de la poésie: 60 pph 2022 – Ces lieux qui nous habitent.

En ce moment, je suis en train de terminer l’écriture d’un roman de science-fiction, ce qui est une activité, on s’en doute, très solitaire, même que, en sabbatique, je me suis devenue encore plus recluse que ce que la pandémie exige.

Illustration de Ontario Create montrant les couvertures de tous les livres en nomination cette année.

Tout ça pour vous dire que la nouvelle, cette semaine, de la nomination À croire que j’aime les failles au Prix de poésie Trillium m’a plongée dans un immense bonheur. En ce moment, je coordonne ma particiption à quelques entrevues à ce sujet, et je me rends compte que j’ai besoin de ce genre de feedback et de visibilité de temps à autre, pour me rappeler pourquoi j’écris: pour être lue et entendue!

Je vous redonne des nouvelles au sujet du prix!

Legi, vidi, scivi*

Couverture de Une sorte de nitescence langoureuse de Sylvie Bérard

J’ai reçu cette semaine mes droits d’auteure pour 2020 de l’une de mes maisons d’édition et je suis, encore une fois, un peu surprise par les faibles ventes de Une sorte de nitescence langoureuse. Il est rare que les auteurices ou les éditeurs parlent de leurs chiffres de vente, car c’est comme un tabou, mais j’ai envie d’en dire quelques mots ici. Je sais qu’il y a aussi le prêt en bibliothèque, et que les romans ont parfois plus que 3 années de vie, et par ailleurs ce n’est pas une priorité pour moi de vivre de ma plume, mais si je le compare à mes autres publications et, toutes proportions gardées, même à mes recueils de poésie, je constate quand même combien il a été relativement peu connu. Pas peu aimé, pas peu critiqué, juste et simplement peu lu, vu, su.

D’un côté, j’ai tendance à dire CQFD : ce roman, publié par un éditeur de science-fiction québécois, connaît le sort du roman fictif de science-fiction qu’il met en scène; il est soigneusement contourné par la critique quand il n’est pas dédaigné (rappel : quand j’ai gagné le Prix des lecteurs de Radio-Canada pour Terre des Autres, un célèbre chroniqueur qui faisait la couverture officielle de l’événement avait ouvertement manifesté son étonnement, chose que, je pense, il n’aurait pas osé faire s’il ne s’était pas agi d’un roman de genre). Si vous avez la mémoire courte, vous trouverez peut-être que j’ai tort, parce qu’on couvre pas mal la science-fiction québécoise en ce moment. Cependant, si vous n’avez pas commencé à vous intéresser à la science-fiction il y a cinq minutes, vous serez peut-être du même avis que moi. Dans l’un et l’autre cas, c’est avec plaisir que j’en discuterai avec vous.

D’un autre côté, je suis quand même perplexe et je cherche encore une explication. Bien sûr, je pourrais accepter l’idée que j’ai écrit un mauvais roman. Même en éliminant tous les autres facteurs, il se peut que ce soit une hypothèse valide. Cependant, je demande à être convaincue qu’un roman puisse ne pas se vendre parce qu’il n’est pas aimé. Et j’ai une foule d’autres hypothèses à évaluer dans l’intervalle, dont celle du livre qui n’a pas rejoint son public pour une raison ou une autre. Et ces raisons, puisqu’on l’a peu acheté mais critiqué positivement quand on l’a fait, sont sans doute en partie paratextuelles : nom de l’éditeur qui renvoie à la littérature de genre (mon roman était seulement le second titre de la collection « Autrement » chez Alire), titre un peu sibyllin (quoique éloquent une fois qu’on a lu le récit — et franchement il en vaut bien d’autres), illustration de la couverture (superbe, quant à moi, tout comme les illustrations intérieures, et j’en remercie Bernard Duchesne et mon éditeur). Je vois aussi des raisons plus péritextuelles, dont la propension qu’ont eue les libraires à classer mon roman dans la section « science-fiction », d’une part, sans jamais, d’autre part, le faire transiter par leur rayon des nouveautés. Ainsi, mon roman n’a pu être découvert, la plupart du temps, comme nouveau livre de littérature générale, tout en étant peut-être trouvé, par ailleurs, entre La Saga d’Illyge et Terre des Autres par un lectorat de science-fiction qui a dû se demander à quoi rimait cette escroquerie. De tout cela aussi nous pourrions discuter.

Tout cela, je ne le dis pas ici pour me poser en écrivaine incomprise. Les critiques de mon roman m’ont montré qu’il était en fait très bien compris lorsqu’il était lu. Je l’écris surtout pour vous expliquer que, moi, je cherche à comprendre.

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*J’ai lu, j’ai vu, j’ai su.

#journeemondialedelapoesie

La petite porte

Photo d’une porte au milieu d’un champ.
Juste une porte au milieu d’une vaste prairie…

Où que ton regard se posât, tu ne voyais qu’espaces ouverts, attendant d’être conquis. Du moins pour toi qui oubliais que cet espace n’était pas foulé depuis toujours, ou tout le temps, ou avec le même confort, par tout le monde. Dans ta griserie spatiale, tu oubliais ou t’efforçais de ne pas voir que ta liberté n’avait pas toujours été celle de tout un chacun . Tu laissais aussi de côté le fait que tous les espaces conquis comme s’ils avaient été tiens n’étaient pas, en fait, vides. Tu laissais de côté ceux et celles que tu avais foulés sur le sol poli de tes lieux, pressés sur les murs lambrissés de tes aires, celles et ceux que tu n’avais pas laissé se sentir chez eux. Et puis, soudain, ton œil est attiré par cette petite porte fermée au fond du jardin… à l’autre bout du pré, au milieu de la prairie. La minute d’avant, tu ne connaissais même pas son existence, mais maintenant, c’est plus fort que toi, il faut que tu regardes derrière. Tu viens pour l’ouvrir, d’ailleurs, elle n’est même pas fermée à clé, mais une voix te murmure qu’il vaudrait mieux que tu n’y ailles pas. Mais tu as l’habitude des espaces illimités, des moindres petites pièces où tu t’installes tout à ton aise, alors cette petite porte au seuil imprenable te fatigue, cette restriction, pas même une exclusion, en vérité, juste une demande poliment formulée de respecter cette chambre à soi, ce refuge, cette règle dans un monde que tu percevais sans règles, te heurte, te blesse, t’atteint, te donne envie de la prendre comme tu as pris le reste. C’est fatigant, n’est-ce pas?