Les pages littéraires de Sylvie Bérard

Science-fiction, littérature, écriture

Catégorie: Université

Les journaux ne parlent jamais de terrorisme

Selon les journaux de ce matin, un suspect serait entré dans un cours de philosophie à l’université de Waterloo en Ontario et en aurait attaqué le professeur et des étudiants. Trois personnes auraient été blessées dans l’incident. Je dis incident parce que la nouvelle s’est retrouvée dans les faits divers de La Presse qui reprenait un article de La presse canadienne, et n’a fait l’objet d’aucune mention dans Le Devoir. En Ontario, un court article en fait état dans la section more top stories du Globe and Mail et dans une section secondaire du Toronto Star. Waterloo ne possède pas de quotidien, mais le journal régional, propriété du même groupe que le Toronto Star, affiche aussi un bref article sur son site web.

« “Je ne peux pas parler de motif pour le moment. Il est évident qu’une enquête est en cours, mais les enquêteurs sont en train d’interroger la personne en état d’arrestation”, a déclaré Shaena Morris, surintendante du service de police régional de Waterloo, lors d’une conférence de presse.» (La Presse)

Un sentiment de déjà-vu. Les noms, l’université, l’arme, la gravité des blessures infligées aux victimes, tout cela est différent, mais la tiédeur de la presse à nommer l’événement et ses enjeux demeure. Le suspect est un homme, le cours de philosophie en question est un cours sur le genre et ce n’est qu’après s’être informé du sujet du cours que l’homme a attaqué. « The professor » est en fait une professeure, et il se peut fort bien aussi que les étudiants soient des étudiantes. Vous voyez le lien? Heureusement, l’arme était un couteau et n’a fait que des blessé·e·s, mais l’événement porte une gravité que les médias, encore une fois, nient par leur silence à propos du genre et de l’importance symbolique de l’attaque.

Les journaux ne parlent jamais de terrorisme dans ces cas-là.

Les médias n’apprennent pas, et leur refus d’apprendre contribue à la montée du discours antigay, antitrans, antiféministe, antiqueer, anti…genre (comme si une telle chose n’était pas une aberration), le fait d’une minorité hallucinée par la peur de perdre des pouvoirs, mais appuyée dans les faits par une majorité qui se tait trop, qui ne dénonce pas assez les égarements des -phobes.

UOF

Cette semaine, Ellie Bothwell, une journaliste de Times Higher Education, a communiqué avec moi pour savoir ce que je pensais des difficultés de l’Université de l’Ontario français pour sa première année d’existence.

L’article, publié ce matin, se trouve ici.

La réponse que je lui ai envoyée était plus longue que ce qu’elle en a cité, bien sûr, alors j’ai pensé la partager en entier (et en anglais) ici:

I was disappointed to learn about the low enrolment at the Université de l’Ontario français for its first year of existence, but at the same time I was not completely surprised given the conditions under which the UOF was opening. I was also aware (as everybody should be) of the challenges of opening a new university: how often is it that a public university is started from scratch, i.e., not from a college or technical institute in Canada?

I fully support the idea of having a Francophone university in Ontario. The province manages to offer postsecondary education in French through its network of bilingual institutions, but at the 2013-2014 États généraux sur le postsecondaire en Ontario français, the need for a Francophone governance of postsecondary education was emphasized. After all, the Francophone province next door with an Anglophone population of 600 000 to 1.06M (depending on how it is calculated) had 3 English-language universities serving a total of 78 000 students while Ontario, with a French-speaking population of 528 000 to 1,49M (again, depending on how you count) has none. But beyond the symbol, there is a real need to provide French-speaking students with a selection of good postsecondary programs – which would also be consistent with the French-language secondary education in the province and the demand from the population and the job market.

The Université de l’Ontario français is not the perfect project that everybody was awaiting but it is a sensible compromise and a good step in the right direction. Beside the fact that the university launched its first registration process in the midst of a pandemic, the conditions were already harsh enough since the university had to manœuvre between the established bilingual universities that were already offering French-language programs. There is a certain number of programs that the UOF could  not offer, to prevent any overlap with other institutions. If, as planned, it could launch education programs, I suspect the picture would change dramatically. In any case, this first year of registration should not suffice to define the sustainability of the whole project.

I know that some concerns were expressed about the federal and provincial governments spending  money on this new institution at a time when existing universities were struggling financially during the pandemic, but I think this is considering the issue from the wrong angle. The need for French-language postsecondary education is, to use a popular expression right now, a pre-existing condition in Ontario. It dates back from long before 2020 and will still prevail after the pandemic. Also, if the creation of a Francophone university in the province really represents a threat for the other universities, then the problem is not the UOF but the whole university system in Ontario that forces the institution to compete against each other like businesses (because getting more students means getting more money) instead of focusing on what they do the best: providing a good postsecondary education. But this is a whole debate in itself, is it?

« Page décentrée »: Commise, voyageuse et toujours vivante

Sillage des lumières d'automobile sur une route la nuité

« Adopt a Highway » peut-on lire en bordure de certains tronçons de l’autoroute 401 qui traverse l’Ontario d’est en ouest. Au moins ce n’est pas en français mal traduit, comme certains autres panneaux provinciaux… Eh bien, je l’ai fait. Les papiers n’ont jamais été officiellement signés, mais je peux dire que j’ai fait cette autoroute mienne. Bon gré, mal gré. Je la connais par cœur. Je la déteste par les jours de mauvais temps, je l’accepte comme un mal nécessaire la plupart du temps. J’y ai passé des nuits entières à attendre que la neige cesse, j’y ai roulé plus vite que nécessaire (ne le dites pas à l’OPP), j’en ai visité tous les Tim Horton’s, j’en ai boycotté tous les MacDonald’s, je connais toutes les sorties qui débouchent sur un latte potable, j’ai comparé le prix de l’essence de toutes ses stations-service. Ma voiture en sait tous les méandres. Je suis professeure d’université et je mène la vie d’une commis-voyageuse.

AVERTISSEMENT : Pour la livraison du 15 octobre de ma «Page décentrée», je puise de manière éhontée dans mes fonds de tiroir et vous propose une version remaniée d’un article paru dans L’autre forum. Le journal des professeurs et professeures de l’Université de Montréal, vol. 9, numéro 2 (février 2005), p. 6. Et je persiste et signe!

Le document original se trouve sur le site de l’association Pédagogie et pratiques canadiennes en création littéraire (PPCCL).

« Page décentrée »: Le plaisir de la rentrée

C’est aussi en septembre que je redeviens plus une prof qui écrit qu’une écrivaine qui enseigne, quoique les deux activités se recoupent constamment pour moi. Il y a quelques jours, une collègue en travail social me demandait si je publiais surtout des articles ou des livres dans mon domaine, et je lui ai répondu que j’écrivais des articles savants et des œuvres littéraires. C’était une boutade, mais c’est aussi assez vrai. Et il n’y a pas beaucoup de différence dans mon esprit entre les deux activités, dans le sens où je suis la même personne écrivant à partir du même point de vue sur le monde et, le plus souvent, avec un plaisir équivalent.

Dans la livraison du 15 septembre de ma «Page décentrée», je ne peux m’empêcher de parler de la rentrée des classes. J’y glisse quelques mots à propos de mon cours de quatrième année en création littéraire.

Le document original se trouve sur le site de l’association Pédagogie et pratiques canadiennes en création littéraire (PPCCL).